1855. Dominique Julien dans Marianne
Par general, lundi 20 février 2012 :: #1855 :: rss
Retrouvez Dominique Julien et son roman L'Ambassade par Marin de Viry, dans l'hebdomadaire Marianne du 18 février.
Helsinki ne répond plus
Hilarante satire du milieu de la diplomatie culturelle, le nouveau roman de Dominique Julien, l'Ambassade
, vise en plein dans le mythe.
Le très hilarant, allègre et fin roman de Dominique Julien l'Ambassade nous projette en Finlande, pays que l'on décrit volontiers comme la source féconde où les sociétés du sud de l'Europe se régénéreront, mais qui en prend ici pour son grade. C'est plus précisément à l'ambassade de France à Helsinki qu'échoue le narrateur, pour un job improbable dans le périmètre très flou de l'action culturelle. Ce garçon fraîchement diplômé de Science-Po a décrété après ses études distraites un moratoire de ses ambitions de carrière, et n'a qu'une joie dans l'existence: bichonner une Renault 12 tunée
. Un mélange de bon sens, de renonciation à imprimer sa marque sur le monde et de préférence inconsciente pour la chasteté fait le fond de ce personnage à la fois régressif et tonique, inexistant et débrouillard. Nous sommes en face d'une sorte de planqué actif, psychologiquement taillé pour jouer les seconds rôles, et qui se retrouve tapi au sein d'une vaste organisation qui fait semblant d'avoir quelque chose à faire sur Terre: l'ambassade de France.
Au sein de ce poste diplomatique oeuvrent un conseiller culturel aussi pressé qu'inutile, un comptable au doux surnom de Françafrique
, un ambassadeur presque nain, tyrannique et hiératique, l'inévitable secrétaire écrasé par le sentiment de la modestie de son grade. Une ambassade classique, avec ses détournements de bouteilles de vin, ses montages pour discréditer tel ou tel, son huis clos pathétique soigné Ã grands coups de wine and cheese
, et son service du chiffre délirant. Cette ambassade débite des platitudes à haute dose et organise des rencontres culturelles entre des expatriés neurasthéniques et des auteurs français sans public, pendant lesquelles le narrateur regarde ses pieds en ratissant le fond de sa tête pour y trouver des banalités à dire.
Quand la diplomatie tente quelque chose d'un peu nouveau en direction de la Finlande, c'est une catastrophe: ainsi l'épisode désopilant où l'ambassadeur commande une Marianne à un artiste branché et dévoile une statue à corps d'?ne et tête de femme, dont les langues multiples évoquent sans trop d'ambiguïté autant de sexes masculins... Au sein de cette pétaudière, notre contractuel a une velléité d'exister, et décide d'inviter Alain Delon à honorer de sa présence un festival. Le ratage en grand de cette opération constitue le prétexte plutôt que le fil rouge de la narration. Quand celle-là se tourne vers la Finlande, c'est pour la ridiculiser en grand: le pays de Sibelius, des bouquets de flagellation pour le sauna, des organisations non gouvernementales, de la libre sexualité et de l'éducation modèle s'avère être une terre de névrose abritant des hypocrites dépendants à l'alcool fort, où seuls les policiers et les voleurs sont des types humains recommandables.
Roman très drôle, et franchement pas correct.
Marin DE VIRY
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