Chaumont, Haute-Marne, 1437. Comme dans un récit moyenâgeux classique, Denysot-le-clerc dit le Hâchis dit Spencer Five, ayant vécu les événements, les raconte en 1444, dans son ancien français de cuisine, mâtiné d’anglais, de termes chinois et japonais, d’un peu d’espagnol. La ville de Chaumont est prise d’assaut par le bastard de Bourbon, Aligot de Bourbon, être cruel et sanguinaire. Pendant l’un des massacres, un combattant étrange fait face aux troupes du Bourbon, les mettant en difficulté, seul face à trois cent hommes. Ce chevalier aux techniques de combat étrange s’avère être une femme qu’ils nomment « la jaunisse » – de son vrai nom Vipère-d’une-toise – et dont la présence incongrue sème la terreur. À l’issue d’un défi et d’un combat de chevalier, une coalition de sept combattants reprend courageusement la ville au Bastard et en protège les portes. Car il s’agit à présent de préparer les habitants à la vengeance d’Aligot de Bourbon et de l’empêcher d’envahir à nouveau la ville. Vipère-d’une-toise mais aussi Akira et d’autres (dont un certain Billy très « The Kid »), apprennent aux villageois à se battre : techniques de sabre, kung fu… Les habitants de Chaumont sont prêts pour le combat qui décidera de leur vie.
Céline Minard conjugue dans ce bref roman haletant histoire réelle et fantaisie anachronique. En effet, si la bataille narrée a bel et bien existé, elle y fait intervenir des personnages tout droit sortis de mangas ou de films de sabres chinois. Ce choc historique crée un récit à la fois cruel et d’un humour constant : la surprise tétanisée des troupes du bastard de Bourbon découvrant Vipère-d’une-toise, femme les défaisant au combat ; Akira apprenant les techniques chinoises de combat aux habitants de Chaumont… Elle crée des personnages haut en couleur, que ce soit le détestable « bastard » ou l’attachant « drunken master » copiste, narrateur de l’histoire, et infléchit l’histoire dans le sens d’une revanche des opprimés : les femmes et les enfants, grâce aux techniques qui leur sont apprises, l’emportent sur la barbarie d’Aligot de Bourbon.
Entre la poésie de François Villon et des images dynamiques qui ne sont pas sans rappeler des films de sabres comme Tigre et dragon de Ang Lee ou Kill Bill de Quentin Tarantino, l’auteur crée une histoire pleine de suspens et de rebondissements, une écriture inédite qui n’est pas sans rappeler l’hybridation formelle d’un Arno Schmidt : une narration dynamique, efficace, reposant sur une langue consciente de son histoire.
Bastard Battle a fait l’objet d’une édition graphique réalisée par Fanette Mellier dans le cadre de son projet : « fictions (des livres bizarres) » (Dissonances/Pôle graphisme de Chaumont, Haute-Marne).