Valeska Gert : adulée dans les années 20 et 30 comme artiste du cabaret politique berlinois, elle incarna, au bord du volcan, l’esprit de fête et de scandale de cette génération subversive. Emblème d’une époque troublée, elle croisa les pas des plus grandes (Greta Garbo, Louise Brooks) et tourna sous la direction de Jean Renoir, Fellini, Margarete von Trotta et Volker Schlöndorff.
Égérie impossible et fantasmée, elle connut l’amour intense et sublimé du cinéaste Sergueï Eisenstein. Tous deux étaient d’avant-garde ; tous deux durent s’exiler pour ce qu’ils étaient, des êtres atypiques qui débordaient leur époque. Pure artiste berlinoise, son public l’aborde dans la rue pour lui dire de fuir cette ville qu’elle aime tant : les nazis la désignent parmi les personnes indésirables de l’exposition « Le juif éternel ».
Danseuse et actrice, actrice et danseuse. Elle dansa dans la Russie révolutionnaire, monta un cabaret à New York fin 1941, ouvrit d’autres petits lieux en Suisse et bien d’autres encore en Allemagne… Elle aimait les espaces confinés où sa danse énergique et condensée explosait de vitalité. Bête de scène, elle avait le pouvoir de communiquer son goût de vivre au public.
Exilée, oubliée, parfois défaite et miséreuse, elle travailla pourtant sa vie durant à ouvrir des lieux originaux. Mais le public de l’après-guerre à Berlin ne voulait plus entendre parler de critique sociale, il voulait s’amuser et oublier. Alors, en 1951, Valeska Gert prit ses quartiers à Kampen, face à la mer, sur l’île de Sylt (encore en Allemagne mais si près du Danemark).
Valeska Gert fut un être sauvagement instinctif mais elle n’en exclut pas pour autant de penser son art. Danse du grotesque et de l’épure, cet art était novateur et consistait avant l’heure en une performance, un happening.
Elle meurt seule dans sa ferme en 1978. Elle venait de signer pour jouer dans le Nosferatu de Werner Herzog aux côtés de Klaus Kinski.
Florence Costecalde enseigne le français. Elle vit à Paris.