Avec une présentation du Résumé par Julien Doussinault
Ida ou le délire : Ida, l’héroïne de ce roman, est déjà morte dès la première ligne. Elle ne vit qu’à travers les paroles de ses employeurs, de ceux qui croisaient son chemin humble et furtif.
Silhouette discrète et tassée par l’âge, Ida était au service de la famille Besson. Bonne à tout faire. Sa vie se réduisait à son travail. On sait peu de chose d’elle : elle aimait les fleurs et surtout les arroser tard le soir. Ida se disait, énigmatiquement, « oiseau de nuit ».
Ida a été projetée en l’air par un camion. Pourquoi n’a-t-elle pas fait attention en traversant ? Pourquoi a-t-elle passé sa vie à fixer ses grands pieds plutôt que prêter attention au monde qui l’entourait ?
Cette mort brutale pose des questions, entraîne des commentaires. Qui est vraiment Ida ? Comment a-t-elle osé mourir ?
Tout le monde se met à parler en phrases qui s’entrecroisent de façon limpide et assourdissante, construisant un récit amer. Un univers d’égoïsme, de convention, de cruauté et d’indifférence dont Ida a été la victime silencieuse et triomphante.
Le Résumé : En 1956, Hélène Bessette fondait le Gang du Roman Poétique (G.R.P.), doté d’un local (une chambre de bonne située au 24 rue du Regard à Paris) et voulant publier une revue pour exprimer son idée sur le drame poétique. Plus qu’une idée, c’est un manifeste qu’Hélène Bessette réussit à imprimer en 1969 dans Le Résumé, à ses frais et à cent exemplaires.
À la lecture du Résumé, on est frappé par ce mélange d’érudition et d’humour noir et touché par cette voix qui ne ressemble à aucune autre, résolument moderne, d’une franchise et d’une intelligence jubilatoire, inquiétante aussi, parfois, déroutante le plus souvent, si insolente, tellement impertinente même qu’on se demande comme elle a pu passer si longtemps inaperçue.
« Le poète aveugle, sourd et muet ne peut crier que dans (…) un langage en dehors des lois », écrit Hélène Bessette dans Le Résumé, et c’est ce cri qu’elle veut faire entendre. Car la poésie dans le roman ne dit pas ce que nous savons déjà sur le personnage mais ce qui nous échappe, c’est la part consacrée à l’analyse des émotions qui agit comme une voix off, une parole qui ne parle pas, une voix muette.
Couverture : Marion Pannier