Elles sont deux, sœurs, et ne peuvent se passer l’une de l’autre. D’ailleurs, la narratrice aurait aimé avoir une sœur mais surtout pas comme elles. Elles vivent recluses avec leur vieille mère qui a rêvé de révolution, qui ne se souvient plus de ses rêves. Leur maison devient une prison-taudis mais elles y sont bien, étant leur propre geôlier. Elles y composent l’architecture de leurs fantasmes. Un monde d’amoncellement où la mémoire se perd entre mirage et réalité. Elles voient des signes là où n’affleurent que des images. Un jour, la mère n’est plus, elles ne l’abandonnent pas aux rites sociaux et la momifient, à domicile, pour la trimballer partout comme une poupée de chiffon. Les Souffleuses sont une autarcie en forme de famille malade. Elles aiment, pourtant. Peut-être meurent-elles un jour, toujours ensemble.
Dans une langue baroque et ciselée, Béatrice Cussol crée un étrange roman familial où s’entrelacent des contes, des matières de faits-divers, où les sœurs apparaissent comme une entité fantastique, chimère farouche de détresse et de désir.
« Pour ranimer les mots considérés comme des colis abandonnés, après un mouvement de recul, les choses reprennent enfin leur forme sans savoir ce qu’elles disent, alors qu’auparavant elles avaient été fourrées dans des sacs et placées chez des voisins. »