Ces Biographies s’ouvrent à la circonstance entendue comme l’expérience du morcellement et de la pluralisation. Rassemblant des textes épars comme autant de morceaux de vie, Mathieu Bénézet fait ici apparaître le corps de l’écrit. Instances narratives, affects et sentiments sont déconstruits - une voix s’énonce, tremble puis se ressaisit : ponctuation et jeux typographiques traduisent l’intonation d’une parole coupée, tendue, et découpent un timbre qui se cherche en explorant l’espace de la page. Plus que des vies, Biographies sonde le feuillet et la langue, jouant du plein et du vide : les mots et les signes dérapent, gravitent, s’accrochent, vacillent dans ce texte poétique recomposé-décomposé. Une traversée à bout de souffle, un texte brisé de l’intérieur - à l’intérieur de la phrase et du mot lui-même - et où le souffle, pourtant, reprend. Ce sont ici les morceaux de vie, la peau, qui font l’écriture. Mathieu Bénézet creuse la langue, perçant et recueillant les échos de voix hantées par l’enfance, la mort, l’accident - " J’ai commencé d’écrire un texte sur le mot souffrance ; je n’ai pas voulu livrer un euphémisme tel que je suis né. " Peu à peu, une voix vient, une vie remontée se donne : de vers syncopés en proses litaniques aux phrases pleines de chairs et de voix anciennes, c’est l’intériorité biologique de la littérature que semble vouloir exhiber le poète, cherchant, sous le tégument des mots, l’organicité de l’écriture.