" La Fugue est - en arrière-pensée - celle de Friedrich Hölderlin et de Paul Celan. Celle de [Jean] Arthur Rimbaud et celle du fondateur de la Croix Rouge [Jean] Henri Dunant (ils logèrent dans la même mansarde à quelques mois d’intervalle). Et celle surtout des prisonniers de la "Grande Guerre" en Allemagne, dont il ne faut plus taire le calvaire. Enfin, celle de Gudrun Ensslin (membre de la Fraction armée rouge). Le site est le pays souabe : Stuttgart ; le Neckar ; la Forêt Noire. Avec en épicentre un lieu symbolique, sorte de Bastille près de Stuttgart : la forteresse de Hohenasperg, où furent jadis internés les démocrates et le poète Schubart, et qui accueillit encore les membres de la R.A.F. [...]
La Fugue inachevée s’achève en catastrophe, à propos de trois exilés infâmes : Pétain ; Laval ; Céline (Sigmaringen, 1944-1945). Pourquoi ces trois-là ? Car (peut-être) entre les mots fugue et fuir, le dictionnaire français place le mot Führer. " [Patrick Beurard-Valdoye.]
Sur les bords du Neckar, entre le Danube et le Rhin, Patrick Beurard-Valdoye collige des réminiscences de Rimbaud, Hölderlin, Bach, des traces d’écrits et de dires anciens, de patois retrouvés et réinventés. Fragments d’histoire, références mythiques, éclats de vies et bris de langues offrent au poète ses prétextes, une matière première patiemment délitée, explorée de strate en strate par un auteur qui entreprend de capter la langue et son histoire, ses souvenirs, en " sédimentant l’évaporation du dire ".
Dans une recherche de forme sans cesse mouvante, évolutive, alternant prose cadencée et vers métrés, La Fugue inachevée se donne à lire comme l’œuvre d’un colporteur de la langue hanté par une question : " À partir de quelle quantité de bribes l’être se met-il à transmettre ? " Remontant le cours du temps et des mots, l’étonnant rhapsode qu’est Patrick Beurard-Valdoye revisite et revitalise ainsi le genre épique - " remonter aux sources du cours / c’est s’orienter vers un saut d’origine / et préférer la fugue à la fuite : / œuvrer vers le point où les choses sourdent ". La Fugue inachevée est le quatrième volet de la tétralogie du " Cycle des exils ", comprenant Allemandes (mem / Arte facts, 1985), Diaire (Al Dante, 2000), et Mossa (Al Dante, 2002).