Dans Quitte ou double, les pages prennent corps par les mots, concrétion physique et matérielle qui leur donne forme et sens. Pour chaque page, Federman invente une structure nouvelle, images ou diagrammes dessinant une voix. Les mots se déplacent, se ramassent, se bousculent et se heurtent en une excursion, un tour de force mêlant calembours, pastiches et parodies. En cet espace de jeu espiègle et étincelant se côtoient 3 instances et 2 récits, soit plusieurs histoires simultanées : Un homme (le narrateur, niveau 1) veut relater les faits et gestes d’un individu (le rédacteur, niveau 2) décidé à s’enfermer 365 jours pour écrire une année de la vie d’un jeune garçon (le personnage, niveau 3) juif arrivé en Amérique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mais chacune de ces instances est trop obsédée par sa propre histoire pour qu’aucun récit puisse être mené à bien - sinon celui de l’élaboration textuelle elle-même.
Jouant habilement d’une même histoire reprise de livre en livre, Raymond Federman compose un texte tour à tour amusant et désespérant, où nouilles, papier toilette, pâte dentifrice, métro et chaussette pleine de dollars deviennent les pierres de touche de la découverte de Nouveaux Continents : l’Amérique, et le texte.
" Quitte ou double " : réfléchir monde et mots au risque de se retrouver devant la réalité nue, crue, au terme de cette avide exploration de la langue, pâte et nouille sans cesse pétrie, goûtée, mise en bouche et savourée, jusqu’au dernier morceau d’un mesclun de procédés textuels et sensuels à la fois léger et substantiel.
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