Des mots comme jetés au bord du silence, l’informulé tracé par bribes et complété par son seul ressassement : la phrase suit la naissance de la pensée, tour à tour hésitante et emportée, reprise en obsession comme en prière. Sensualité et crudité nuancent ces litanies incantatoires, de la suggestion à l’invocation : entre l’indicible et le cri, John Giorno profère l’instant. Dans ces poèmes tels des partitions se lit une voix, celle du désir dans sa violente sérénité.
Parfois les impressions se font plus précises et, avec elles, le discours : le temps de récits de souvenirs, Giorno célèbre des noms - tel celui de Keith Haring, qu’il ne connaissait pas lorsqu’il vécut avec lui une " super baise anonyme " -, des personnages - tel Andy Warhol, figure emblématique ici affectueusement démythifiée - ou encore des actes essentiels, comme la fondation du Aids Treatment Project, qui aide les malades du Sida en leur apportant un soutien financier.
écrits entre 1973 et 1994, ces dix-sept fragments d’humeurs et de pensées s’offrent comme les parcelles d’une vie en excès, de l’incomplétude à la béatitude.
" Ses litanies de l’outremonde spirituel se réverbèrent dans la tête et pénètrent tout de suite l’hémisphère non dominant du cerveau, les pensées des lobes pariétaux (où on ne sait pas très bien ce qui se passe), pour ventriloquer nos propres pensées. " William S. Burroughs.
|