Dans un monde qui ressemble au nôtre comme un double sombre, aux traits exagérés avec humour et sans complaisance, François Gibault crée un roman d’un rythme étourdissant, maniant le burlesque avec virtuosité et manipulant ses personnages comme autant de marionnettes brinquebalées par les aléas de la vie.
Couple terne - voire carrément minable, pour parler sans ambages -,Germinal et Fleur accoudent comme ils peuvent leurs faiblesses mutuelles pour tenter d’en faire un semblant de force. Quelque chose qui leur permettrait de survivre dans une société violente et injuste. Après un mariage farcesque - permettant un morceau de bravoure romanesque -, ils partent pour Bimboutou, en Afrique, Germinal y ayant trouvé un poste de « Directeur d’usine de la Compagnie de Récupération des Métaux Usés ». Une usine qui ne fabrique rien et rafistole ce qu’on veut bien lui envoyer. On imagine à quel point leur statut de « blanc naïf » évoluant en plein tiers-monde les conduira à tomber dans tous les panneaux : celui du bon sentiment humanitaire, de l’exotisme facile, du retour forcené à la nature... Jusqu’à ce qu’ils aient à subir une guerre absurde.
Sans cesse, Germinal et Fleur sont malmenés par des mésaventures qui nous sont contées avec un humour irrésistible, truffées de trouvailles stylistiques qui ne sont pas sans rappeler la verve d’un Céline.
Idéalistes sans idéaux, anti-héros sans gloire, on devine déjà quelle raison de vivre trouveront ces amants dévastés : un enfant. Et ils parviennent en effet à donner le jour à Odilon, « désastreux Mozart de la bouche duquel les vérités tombent comme des bombes », mélange de Tarzan monstrueux et de Christ du pauvre, génie dérisoire de cet univers aux foules aveugles, qui ne pourra en devenir que le bourreau et le martyr...